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vendredi 11 septembre 2009

Des trous dans la forêt



A Thomery, la révolution des murs impose une direction particulière : pour une face au sud, les murs sont alignés Est-Ouest, le reste de la vigne est forcément parallèle aux murs. La construction des murs est une mise de fonds considérable : il faut charroyer des pierres et trouver de la terre un peu argileuse pour servir de mortier. Il semblerait que les champs proches de la forêt soient devenus des carrières de terre car on y trouve beaucoup de tranchées dont certaines sont plus ou moins bien rebouchées. Peu à peu la vigne de table s’enferme dans les murs et le travail manuel d’entretien est très important, fini les grandes surfaces. Les terrains proches de la forêt semble encore cultivés, une lisière irrégulière est visible en 1893 puis, après la friche, la forêt s’installe, cachant les carrières de terre rouge qui fournissaient mortier et briques pour les murs intermédiaires.
Nous arrivons au lotissement des Danjoux, qui étaient encore composés de vergers, il y a une vingtaine d’années. C’est dans ce petit vallon que la commune a prévu de faire un nouveau cimetière, ce qui avait déjà été envisagé au 19e siècle semble-t-il.
A droite se trouve l’ancienne maison forestière de Chantoiseau. En 1750, Amand Roze est condamné pour usurpation de limites : « six octobre mil sept cent cinquante, avons fait poser deux reperts en forme de guidons sur le mur de la maison dont jouit actuellement Amand Roze, située au hameau de Chantoiseau pour marquer la ligne de bornage qui en cet endroit est interompüe par les murs de la cour de ladite maison, »
Par la suite, la maison sera achetée par les Eaux et forêts pour servir de maison forestière en 1764. Elle fut reconstruite mais en 1985 elle est en mauvais état faute d’entretien et d’accès difficile. La maison est revendue par l’ONF depuis une quinzaine d’années à un personnel de l’ONF.
En tournant à gauche, nous prenons le chemin de bornage et nous longeons une jeune futaie de chênes. En fait, il s’agit d’une ancienne pépinière dont la charge revenait au forestier qui avait son jardin potager à côté.
Après avoir passé les bornes 23 et 24, nous atteignons la borne 25 près du chemin des Pleux (ce qui signifie terrain pelé) qui est une route de chasse partant du carrefour Fernand Gregh et traversant allègrement les champs privés de Thomery. La première des choses que demanderont dans les cahiers de Doléances tous les riverains de la forêt, c’est que soit supprimé la Capitainerie des Chasses qui traversait toutes les terres privées autour de la forêt.
La borne 29 est bien visible et les anciennes vignes qui étaient là ont fait place à une forêt chaotique d’arbres mélangés divers, non ramassés après tempêtes et toujours des trous de carrières. Puis nous arrivons à un angle et seul un œil prévenu découvre la borne 30, cassée en deux, sur un morceau est visible le guidon, sur l’autre morceau se devine les boucles du 3 et du 0. Le même phénomène qui a été sans doute la cause de l’usurpation des vignerons au 18e siècle s’est reproduit au 20e siècle.
L’ancien vignoble usurpé et reboisé est actuellement très lumineux : une « coupe d’ensemencement » a été faite cet hiver pour favoriser la germination des glands qui remplaceront les chênes plantés en 1764.
Nous prenons le chemin des Ribiches qui nous ramène vers les Montforts. A un carrefour, le chemin devient sentier, un renard en a profité pour y mettre sa « borne » de territoire, une crotte pleine de pépins. Nous suivons le sentier des Ribiches qui devient très étroit mais nous mène à une rue plus large. Mais là, la suite du sentier devient un cul de sac intriguant. M. Pons nous donne l’explication : ce sentier sortait plus loin sur la rue de Moret mais Fernand Gregh a obtenu l’autorisation, pour agrandir son parc, d’englober l’ancien passage et en créer un nouveau.
Nous rejoignons ensuite By grâce à un petit sentier étroit, une « effrontaille », qui zigzague à travers les jardins et les maisons, la place de la Grand Cour est à 50m



La vigne et les échalas



Pendant tout le 18e siècle, plusieurs arrêtés royaux sont pris pour interdire de planter de nouvelles vignes. En 1731, un arrêté est même pris au niveau national, de peur que la France ne manque de blé. Rien n’y fait, la vigne continue à se développer car le vin rapporte plus d’argent que le blé, même s’il est de qualité médiocre et se conserve mal. Les cartes de 1771, 1773 et 1780 marquent toutes un développement maximum de la vigne jusqu’au bornage de la forêt. Par contre, en 1809, la vigne n’est

plus aussi prédominante, la Révolution et les guerres napoléoniennes ont dû perturber aussi bien la main d’œuvre que le commerce. A Thomery, l’introduction en 1730 de la culture du raisin de table sur des murs va aussi changer la donne

Dès que l’on pense vigne, on imagine les rangs bien alignés à perte de vue. En fait il n’est pas du tout sûr que la vigne à vin de Thomery ait été plantée en ligne. Avant l’utilisation intensive du fil de fer vers 1850, l’essentiel des vignobles étaient cultivé sur échalas : chaque pied de vigne était attaché sur une sorte de baguette qui était arrachée chaque hiver et remise chaque printemps.

C’était un énorme travail mais le bois trouvé sur place ne coûtait pas cher (petits rondins de chêne et de châtaignier fendus). Par ailleurs, tous les travaux de bêchage de la vigne étaient faits à la main, or quand on travaille manuellement, on avance plutôt en cercle autour de soi, la ligne droite n’est pas naturelle. D’ailleurs la vigne était souvent cultivée dans des terrains non labourables sur des pentes rocheuses.

Le provignage consiste à coucher en terre dans une fosse, qui sera ensuite fumée, un cep entier dont les pousses enracinées donneront autant de nouveaux ceps (le vigneron en sélectionne généralement trois) qui reproduiront fidèlement la souche-mère. Cette technique permet ainsi au vigneron de renouveler sa vigne à moindre frais, le prix d’un plant étant élevé.

Cependant le provignage présente un inconvénient majeur : le coût d’entretien de la vigne. En effet, l’achat du fumier et surtout des échalas, les travaux de la vigne rendus plus délicats en raison de cet aspect "en foule", aussi bien en temps qu’en main d’oeuvre, entraînent une dépense non négligeable pour le vigneron.

D’après le site : www.jouylemoutier.fr/content/heading2203681/content2222859.html

Il restait encore des vignes « échalassées » au début du 20e siècle puisqu’on en a des cartes postales.

Les champs présentaient une sorte de forêt d’échalas de tailles diverses.

La plantation en rang, si elle permet la culture mécanisée, impose une mise de fond plus considérable : il faut planter tous les rangs en entier en même temps, il faut respecter les distances, les piquets doivent résister longtemps à des tensions très fortes du fils de fer, le fil de fer doit être acheté en quantité ; la jeune vigne plantée demande plusieurs années de soin avant de produire régulièrement. La vigne

cultivée « en foule » produisait et se reproduisait en même temps.


Jugement des vignerons en 1750


Cette histoire de limite litigieuse remonte très loin. Les plans de 1705 ont un bornage très flou. En 1716, une réformation générale a lieu avec M. de la Faluère et l’arpenteur Desquinemare. Les bords de la forêt se terminent en bruyères sur le territoire de Thomery :

Une phrase curieuse dit:

« et d'autre sur les friches de Thomery, lesquelles friches l'on met en valeur »

Mais pour le canton de la Fosselle, il est mis en marge :

La Foselle 23 arpents recrue cotte B a coupper en 1722. Hestres et quelques charmes 20 arpents et demy futaye le long du chemin de Bourgogne Cotte A.

Suivant le récolement du bornage, a été reconnu une entreprise par les riverains en la quantité de 9 arpents 30 perches cote C de friche plantée en vigne et arbres fruitiers en dedans les bornes pour laquelle il y a 9 arpents 30 perches de friche usurpée.

Donc dès 1716, l’administration savait que de la vigne se trouvait sur le domaine royal. Une carte de 1725 le montre clairement:

Et pourtant, il faudra attendre 1751, pour que l’administration des Eaux et forêts prenne une décision et lance un jugement.

Toute la zone en vert est usurpée et plantée en vigne et voici le jugement de 1750: « aujourd'hui vendredi seize octobre mil sept cent cinquante, (aux) environs de neuf heures du matin sont comparus en notre hôtel et par devant nous, Amand Roze, Louis Tholimey, Jean Duchâteau, Jean Chesnoy, Jean Frot, Louis Luneau, Louis Delaistre, Pierre Florant tant en son nom que solidairement pour ses Consorts, Etienne Benoist, François Florant, Louise Michin (veuve?) Etienne Fercel, Guilleaume Thaubergat, tant pour luy que ses consorts Anto(n)ine Souillard comparant pourJean Voinû et autres, tous habittans de la paroisse de Thomery, lesquels ont déclarés et reconnu que pour la plantation des bornes qui terminent les confins de la forêt, elles ont été mises dans les véritables positions, pour séparer leurs héritages de ladite forest, et que les vignes qui se trouvent rentrer dans le corps de ladite forest en font partie et qu'ils ne les possèdent qu'à titre d'usurpation sur le fond d'icelle, sans néantmoins avoir aucune part à ladite usurpation qui est si ancienne qu'elle a donné lieu à la fabrique de Notre Dame de Moret de s'en emparer et de les conserver à leurs autheurs à titre de cens et rente.

Domet parle aussi de 9 arpents 30 perches, ce qui fait environ 5 ha, ce qui n’est pas rien mais les cultivateurs de Thomery sont jugés de bonne foi et pourront continuer à cultiver leur vigne : M. Duvaucel « les laissa en jouissance, sans tirer à conséquence » ; ils devront seulement supporter l’ouverture des clôtures quand le roi chassera.

« Les condamnons pareillement à arracher touttes les hayes (qui) ne font point closture de vignes et à l'égard de celles qui ferment les vignes leur permettons de mettre des portes dans la routte de pourtour en forme de clayon pour se déffendre du fauve, les quelles portes ils seront tenus d'ouvrir pendant tout le séjour du Roy en ce lieu, »

Ce genre « d’usurpation si ancienne » s’explique par le fait que les Danjoux et les Marcillons faisaient partie du fief de Notre Dame de Moret et que la lisière forestière en friche était assez floue, une fois les bornes 30 et 31 cassées ou couchées. Par ailleurs, cette usurpation constatée dès 1716 n’avait pas été suivie d’effet pendant 35 ans, donc les forestiers étaient eux-mêmes fautifs, ils n’ont donc pas été trop sévères, sans compter qu’une vigne nécessite du temps pour produire valablement.

L’historien de la forêt, Paul Domet dit que, par la suite, la forêt est replantée en 1764. D’ailleurs, l’entretien de la vigne a sûrement amélioré le terrain et la plantation n’en a été que plus facile. Donc nous avons devant nous quelques arbres d’environ 240 ans. Cependant les arbres à plusieurs tiges montrent que la forêt a été traité en taillis un certain temps. L’ancienne clôture avec la forêt est encore visible par une sorte de talus et un fossé sur le haut de la petite butte.


Bordures de la forêt 26/07/2009




Le dimanche 26 juillet, nous partons de la place de la Grand Cour à By pour explorer les confins de Thomery, le long de la forêt domaniale, anciennement royale, et explorer l’histoire des relations entre la vigne et la forêt. Nous prenons la rue de la Gare, anciennement dénommé « Chemin des Vaches » car, selon le règlement, c’est par cette rue que le troupeau de By était obligé de passer pour pénétrer en forêt où les vaches pâturaient toute la journée (12117 vaches et 6367 porcs autorisés sur l’ensemble de la forêt en 1664 pour toutes les paroisses riveraines).

Sur une carte de 1751, à l’emplacement du château Rosa Bonheur est indiqué « Presoir » qui parait être l’indication d’un pressoir. Mais aucune autre carte du 18e siècle ne porte ce mot. Jusqu’en 1809, l’emplacement du château Rosa Bonheur est en vigne ou en culture sur les cartes (mais les cartes ne sont jamais des preuves). Une bâtisse apparaît sur le cadastre de 1836 mais Rosa Bonheur n’a acheté le château qu’en 1859. L’ensemble du parc s’appelle alors « le Clos aux Minets »

En avançant sur l’ancien Chemin des Vaches, nous rencontrons le sentier de Saint Aubin (nom du cadastre) qui mène à l’ancienne ferme Valenti, lieu dit « les Ribiches et le Bois Blineau). En face du chemin, se voit une porte dans la clôture du parc du château ; à l’opposé du parc, pas de porte mais le chemin s’appelle toujours sentier de St Aubin et traverse la voie de chemin de fer. Effectivement, en 1751, un sentier continue au milieu des vignes vers le sud ; vers le nord, le sentier parait se prolonger par le chemin des Danjoux actuel. Sur le cadastre récent, il s’arrête à la hauteur du chemin des Ribiches mais est en cul de sac. Par la suite, les autres cartes ne le montrent pas, la vigne envahissant tout. Cette dénomination est assez curieuse car l’ancien hameau de St Aubin se trouve à 3km de là à vol d’oiseau et la fontaine St Aubin, ancien sanctuaire romain, encore un peu plus loin.
Nous longeons l’ancienne casse de voitures de M. Niestier ; ce terrain a longtemps été une occasion de discorde par le fait qu’il était en bordure de site classé mais semble-t-il, il était plus ou moins toléré par la préfecture. Depuis la mort de l’exploitant, rien n’a bougé sinon l’enlèvement de carcasses trop visibles. Pendant longtemps, les gens étaient outrés de voir des voitures apparemment déposées sur le terrain domanial. En fait le terrain qui fait plus d’un hectare était limitrophe avec la forêt mais le chemin d’accès était entièrement sur terrain privé à l’entrée et ne faisait pas limite avec la forêt comme c’est le cas habituellement. Après de nombreuses plaintes, l’ONF a fait venir un géomètre et la limite exacte a été tracée. Le problème est qu’entre la borne 31 et la borne 32 cachée derrière le poteau électrique, la limite est toute droite sur 400m mais, le chemin sinueux est en partie en terrain privé, parfois à cheval sur la limite, parfois entièrement domanial. Des petits poteaux intermédiaires de ciment armé marquent maintenant la limite, l’un est cassé au milieu du chemin près du carrefour Fernand Gregh. Le chemin s’appelle « Chemin du Bois Blineau » sur le cadastre de 1836 et l’on voit bien les parcelles qui se continuent de part et d’autre du chemin.


Activités sur la vigne

Entre février et juin 2009, l'essentiel de l'activité s'est portée sur la vigne : taille, réfection fil de fer, rattrapage de vieilles vignes. Prochainement plusieurs chapitres seront ajoutés sur ce sujet.

Autour de By 31/01/2009



Nous partons de la place de la Grand Cour à By. Cet ancien hameau est très particulier avec ses nombreux puits, ses cours communes et ses ruelles étroites dont certaines sont privées, d'après le cadastre (et en cul de sac). Nous entrons dans une cour commune avec un beau cadran solaire puis nous continuons un chemin étroit : le sentier des Closeaux. Notre marche est arrêtée par un effondrement d'un haut mur. Une ruelle nous permet de retrouver la rue de Bellevue, autrefois appelée ruelle au Chat (?). Par la rue de la Source, nous revenons au sentier des Closeaux, qui se termine en cul de sac. En fait la rue de la Source a été ouverte dans les années 1930 et la partie des Closeaux qui ouvrait sur la rue de Bellevue a été privatisée.
Nous descendons jusqu'au lavoir, construit vers 1930, à partir d'une source ? Pas de renseignement. Nous prenons à droite le chemin des Larris, très ancien chemin sur le plateau, qui domine les "Abimes de By" qui sont désormais boisés. Le mot Larris désignait autrefois des zones à moutons, non boisées. Le balisage du Tour de Thomery sort à la rue de la Source mais nous continuons sur le chemin, parfois sans mur, avec la pente très raide d'un côté. Nous traversons une zone effondrée depuis une vingtaine d'années et qui a été réaménagée. Le chemin remonte pour sortir sur le chemin des Roches à Robin. Nous longeons une propriété, avec une sorte de tour en ruine, construite à la fin du 19e siècle. Puis nous arrivons à l'aqueduc venant de la région de Provins, construit en 1927, pour se joindre à l'aqueduc de la Vanne qui alimente Paris.
Nous sommes sur le territoire de Veneux les Sablons, rue du Puits de Rosay. Nous revenons vers Thomery, rue Rosa Bonheur, pour obliquer rue des Petits Sablons. Nous retrouvons une autre partie du chemin des Roches Courteaux où plusieurs maisons sont en construction. Comment sera ce chemin dans quelques années ?
Nous remontons la rue de la Source, puis par un court passage où se trouve un puits, nous atteignons de nouveau la rue Rosa Bonheur. Devant l'école Jacquemin, nous prenons le "Passage de l'école" dont la pancarte est toute rouillée et mériterait un peu de peinture.
Grâce à ce passage, nous arrivons dans la rue du 14 juillet. Un immense mur à droite a été récemment recrépi avec soin.

Le chemin perdu 26/11/2008


Un chemin communal est visible sur le cadastre entre la rue de l'Orme mort et le sentier des 7 Arpents. Un ancien habitant de Thomery nous a assuré y être passé dans sa jeunesse. J'ai rêvé d'un chemin, type Longs Sillons, enseveli sous les arbres...
Du côté du Pavé du Prince, on décèle un vague sentier creux, sans mur, une haie de thuyas l'a envahi, impossible de passer. Depuis l'Orme mort, un seul terrain est sans clôture, un petit passage est tracé dans la friche, avec de belles traces de sangliers : ils ont là des cachettes inviolables. Après un terrain de tennis caché au milieu de la végétation, un tracé de chemin apparait. Il est bloqué à droite par des ronciers épais, à gauche, après quelques mètres libres, il est fermé par une bambouseraie dense. Vers les 7 arpents, des murs, mais une friche impraticable, sauf pour les sangliers...
Au final, ce sentier n'a que très peu de murs, il n'a pas d'entrée ni de sortie claires, peu de chance donc d'une restauration quelconque.